Après avoir effectué une première mission santé au Cameroun en 2017, pour initier les projets « santé » en tant que représentante santé de l’association LifeTime Projects et étudiante en 4ème année de kinésithérapie, j’ai succombé de nouveau au charme du pays, ce qui m’a fait revenir !
Émue à l’idée de retrouver les membres de l’équipe LifeTime Projects, la famille d’accueil, les enfants de l’orphelinat FACT et les professionnels de santé. Les heures de vol ne se comptent plus tellement l’envie est là de fouler le sol camerounais. Au très petit matin du 3 juillet, je me retrouve au Cameroun communément appelé l’Afrique en miniature, sans valises à destination finale… mais heureusement j’ai pu récupérer mes effets quelques jours plus tard. Petit incident qui n’empêche en aucun cas la joie qui s’anime en moi face aux retrouvailles riches en émotions… Ravie de voir le chemin que certains ont pu prendre depuis un an. Leurs rêves se concrétisent.
Les projets santé initiés l’année dernière se poursuivent, d’autres voient le jour. Mon intervention s’est faite dans différentes structures à Yaoundé :
Clinique « Actions en brousse » à Nkoabang
Des activités de sensibilisation ont été proposées, telles que l’hygiène (lavage des mains, du corps, rendre l’eau potable), premiers gestes de secours, conseils sur le développement du nourrisson.
Prohandicam, centre pour enfants et adultes handicapés
Dans ce centre j’ai pu échanger avec les professionnels de santé paramédicaux sur la pratique et théorie, très enrichissant pour évoluer dans mon activité future. Je me rends compte que les soins prodigués sont souvent tardifs du fait du retard de la prise en compte du handicap et du diagnostic, notamment chez les enfants avec paralysie cérébrale. Je vois également les conséquences neurologiques d’un paludisme et méningite non pris en charge à temps, la négligence d’un pied bot varus équin à l’adolescence, les corrections orthopédiques des genoux varum…. Je comprends ainsi l’importance et la nécessité d’informer la population sur les consultations prénatales, l’accouchement et le développement de l’enfant. Les parents me font part d’une absence de communication sur la pathologie diagnostiquée et de l’avenir que l’on peut espérer pour l’enfant.
Lancement d’une campagne de kinésithérapie dans un quartier de Yaoundé
Ce projet avait pour but d’aider une néo-diplômée camerounaise à développer son activité dans cette filière santé. Peu connue au Cameroun, la kinésithérapie est peu pratiquée et les structures sont rares, bien que la population en ait grandement besoin… De plus, la population suppose que la kinésithérapie ne comprend que les massages, la solution à tous les maux. En collaboration, nous avons pris en charge des patients afin de partager et d’échanger nos pratiques. De mon côté cette expérience m’a permis de percevoir le ressenti des malades face à la douleur différemment de ceux des Européens, avoir la créativité d’exercices de rééducation sans matériel, pratiquer des soins sans diagnostic précis mais dont la symptomatologie est conséquente…
Programme marathonien ! Qui vaut la peine d’être mené face aux retours bonifiants de la population. Quand tu entends « j’ai arrêté les soins connaissant votre venue, ça ne peut qu’aller mieux avec vous ! » Le trajet que certains parcourent pour avoir des soins ré-éducatifs est impressionnant, procurant l’envie de faire notre maximum pour eux. La détermination et volonté des patients ne font qu’augmenter ma foi dans ma pratique professionnelle, avec l’envie de persévérer et d’apporter plus à ces personnes.
En parallèle de ces missions, un projet d’art-thérapie a été initié sous forme de pièces de théâtre « Kirikou et la Sorcière », au sein d’un orphelinat à Yaoundé. C’est au cours de trois semaines que les enfants se sont attelés à préparer les costumes, les masques, les bijoux de Karaba, les décors, les instruments de musique, à apprendre les chants, les danses et leur scénario ! Quelle joie immense ce fut de les voir jouer le jour J, fiers de montrer leur travail accompli à un public. Ils ont su mener un projet et se l’approprier, appris à travailler en groupe et à s’écouter. Bien qu’ils vivent en collectivité, ils n’ont pas l’habitude de s’impliquer ensemble dans une tâche. Les liens se sont resserrés. Nous terminons cette représentation avec le sourire des enfants gratifiant suite au chemin parcouru ensemble.
À mon retour d’Atta, je poursuivrai les volets santé au sein de ce centre, pour les sensibiliser à l’hygiène des mains et du corps, les premiers gestes de secours. Par manque de présence des éducateurs, les enfants sont livrés à eux même dès le plus jeune âge et se retrouvent face à des responsabilités d’adulte conséquentes.
Nous voilà maintenant début août. Prenons la route pour l’Adamoua, avec première étape à Bankim. Nous organisons une campagne santé lors du forum de la BALFRAT (Balade Fraternelle). Au programme, dépistage gratuit (VIH, hépatite B, hépatite C, paludisme), glycémie, distribution de médicaments et préservatifs gratuits, sensibilisation au lavage des mains, premiers gestes de secours, consultation prénatale, planning familial, iatrogénie des médicaments… La population a apprécié ces interventions, valorisant le forum du village. Sur les deux journées, nous avons reçu près de 200 personnes.
Poursuivons notre trajet jusqu’à Atta avec tout de même 7h de route depuis Bankim, dont plus de deux heures de temps embourbé ! Digne d’un film ! Qui forge toutefois l’expérience aventurière ! Heureusement que nous sommes préparés mentalement à ce long voyage, sur route en terre avec nids d’autruches !
Village dans lequel la culture est bien enracinée mais dont la population est demandeuse de soutien pour se développer, notamment sur le versant santé. Nous entamons le séjour par la formation pratique auprès de femmes pour leur bébé, en lien avec le livret conçu et mis à disposition en début d’année.
Ceci se poursuit par la sensibilisation sur l’hygiène des mains, du corps auprès des femmes de la coopérative de savon d’Atta pour qu’elles sensibilisent à leur tour la population sur l’utilité du savon. Véritable succès également pour l’initiation aux premiers gestes de secours et un échange sur le thème du handicap, avec les enseignants du village. Tout le monde participait et discutait pour en savoir plus et mieux apprendre au cours de cet échange. De même, certains manifestaient le souhait de transmettre les connaissances aux élèves et à d’autres villageois par la suite.
Par ailleurs, suite à un checkup up avec l’infirmier de la clinique, nous nous rendons compte que l’alimentation chez l’enfant, l’hygiène, les consultations prénatales, la préparation à l’accouchement, les vaccinations de l’enfant et le planning familial sont des thèmes primordiaux, auxquels nous devons insister dans les projets à venir pour améliorer la santé des villageois.
Le retour à Yaoundé se fait pour trois semaines de mission avec poursuite des activités de santé dans les différentes structures. Le temps passe si vite mais apparemment je suis une locale ! Je suis imprégnée de la culture, me rendant camerounaise. L’expérience avec les taximans affirme cela, en me disant que je suis Bamileké (une communauté du pays), du fait de payer le tarif le moins cher. Le fait de connaitre les quartiers de Yaoundé plus que certaines personnes d’ici. Ou bien le fait de parler le franglais spontanément, surprend beaucoup de personnes ! Juste la couleur de peau qui diffère. Nous sommes frères et sœurs de cœur. « Ma petite sœur d’une autre mère » … Ici, dans cette culture aux mille visages, tu ne peux savoir qui sont les membres de la famille de sang, il n’y a pas de différence faite, tu es accueilli comme tu es, un frère, une sœur.
Ces derniers moments au Cameroun furent si intenses et mémorables. Apprendre à se connaître au sein d’une autre culture est la meilleure des manières pour connaître sa personnalité, ses capacités, et ses limites. Apprendre les coutumes d’une autre population, passer du temps sans technologies, vivre des actes de la vie quotidienne comme nos aïeules (lavage des habits à la main, aller au champ, cuisiner au feu de bois…). Je m’émerveille ainsi des petites choses qui font la beauté du monde.
Nassara, Atangana, la White, la Blanche … autant de termes pour m’interpeller dans la rue et recevoir un bonjour, un regard, un sourire d’une autre culture. Ces regards que je ne peux oublier, certains qui expriment la joie de rencontrer une peau blanche pour la première fois, le désir de partager un moment ensemble, d’autres qui demandent de l’aide… Les enfants qui courent dans tes bras pour t’étreindre et s’agripper à toi… Leurs joues qui demandent qu’à être embrassées, à recevoir de l’affection, de l’attention, comme une ressource d’énergie.
D’un autre côté, il y a les réalités de la vie qui te font face, notamment la vie des enfants de l’orphelinat. Quand un enfant te dit « je ne comprends pas, je ne perçois même pas de tristesse malgré mon passé ». « Je n’ai jamais reçu d’amour, comment veux-tu que je fonde une famille ». Ou bien le fait de ne pas connaitre qui tu es, d’où tu viens, de ne pas savoir ton âge, tes origines…Ton ego et ton vécu en prennent un coup, tu te remets en question de la chance que tu as pu avoir… Mais le plus difficile fut lors de ma dernière semaine où quelques enfants sont venus auprès de moi me rapporter le souhait de fuguer en raison de l’existence de violences verbale, physique et sexuelle au sein de la structure. Celles-ci ne permettent pas aux enfants de se construire, se sentant rabaissés à chaque instant. Ils ne peuvent trouver leur chemin dans ce contexte de vie. Comment partir en sachant cela ? A part une écoute attentive, mon action est moindre. Il en est à d’autres professionnels d’intervenir pour délier cette situation. Mais pour ma part, une impression de les abandonner…
Et puis il y a des phrases qui te sont dites, qui te marquent à jamais… Quelqu’un que tu ne connais pas avec qui tu prends la moto, te remercie sincèrement pour ce que tu fais pour ses frères, pour le pays. Des paroles qui te touchent au fond de toi, une reconnaissance à laquelle tu ne t’attends pas sur le fait… L’écrit d’un enfant me va droit au cœur « Chère Ophélie, Aucun mot au monde ne pourra égaler le grand cœur que tu as. Peu de gens sur terre ne peuvent faire ce que tu as fait pour nous. T’as pas encore enfanté mais pour nous tu es comme une grande sœur, une mère pour nous. Alors Ophélie merci beaucoup, où que tu sois nous te serons toujours à toi et nous t’aimerons toujours ». Expérience que l’on ne peut même pas imaginer… Surprise à chaque instant de ce que nous réserve la beauté de la vie. « Tu es comme un papillon qui sort ses ailes et montre toutes ses couleurs »… C’est comme si mon rêve était en train de se réaliser ou tout du moins j’apprends à me connaitre et avancer sur le plan personnel et professionnel.
1er septembre, jour de départ, le moment tant redouté. Celui que tu ne souhaites pas vivre. Celui où ton corps suit le mouvement des voyageurs pour monter dans l’avion mais ton cœur qui te dit de rester… Laisser tes frères et sœurs, les membres de l’association, les enfants de l’orphelinat dans des conditions difficiles, les personnes que tu as rencontrées sur ton chemin… même si je reste en contact, la séparation reste poignante.
Mission qui a permis de sensibiliser la population locale, quelques clés pour avancer, toujours dans un objectif pérenne où la population s’approprie le projet et peut à son tour délivrer le message.
Qui ne dit jamais deux sans trois ! Nous verrons ce que l’avenir me réserve pour des retrouvailles au Cameroun avec mes familles adoptives 😉